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lundi 30 janvier 2012

Lorsque les exposants de Lyapunov deviennent positifs


Ce que nous avons vécu ces derniers jours, en l'occurrence, les émeutes, les pillages et les agressions, a déclenché en nous (les vieux) de tristes souvenirs, des souvenirs qui n'ont pu s'estomper en dépit  de la durée et des événements effroyables de la rouge décennie: ce sont les souvenirs des événements d'octobre 1988.
Ces émeutes qui sont somme toute le reflet d'un mécontentement populaire, tantôt discret tantôt résurgent avec véhémence, ont été analysées et plusieurs thèses ont été avancées sur leur genèse. En vérité, tel le vecteur qui s'exprime en fonction d'une base de vecteurs dont le nombre est celui de la dimension de l'espace vectoriel correspondant, la cause de ces émeutes est une combinaison - peut-être non-linéaire - de toutes les causes déjà évoquées, ce serait une équation à plusieurs inputs. Ce qui demeure certain, c'est l'incapacité d'une allumette d'enflammer une mare d'eau. En l'occurrence, aucun agent ne peut être déclencheur si le système lui-même n'est pas dans un état instable au préalable.

Les premières échauffourées de Bab-el-Oued auraient pu être vraisemblablement déclenchées par la rumeur relative à la destruction des
étalages illégaux et le contrôle du commerce informel, mais le catalyseur étant certainement le fond historique des jeunes, i.e., chômage et  refus de l'autorité exacerbés par la hausse des prix, qui demeure un facteur non décisif car le record des prix de l'huile a déjà été atteint par le passé. Ensuite, il y a l'effet d'entrainement qui peut être libre ou forcé. Cependant, compte tenu du nombre de wilayas impliquées (~17) l'on est incliné à penser que ceci ne saurait être un événement fortuit. Evidemment, le bon sens nous impose de ne pas sous-estimer le facteur extérieur, sachant ce qui se déroule au moyen orient et en Afrique du nord. En ce qui me concerne, j'estime que la cause majeure au mécontentement des gens et qui est sous-jacente à toutes celles évoquées, est l'injustice.
L'injustice est une machine à broyer toute forme d'épanouissement, d'expression et d'innovation. Ces derniers étant les ingrédients d'une vie digne et qui mérite d'être vécue. Cependant, la réaction à l'injustice reste tributaire de l'individu: certains réagissent avec violence alors que d'autres le font avec sagesse. Dans tous les cas, nul ne reste placide lorsqu'il est soumis aux contraintes de l'injustice. Par ailleurs, l'effet de l'injustice devient on ne peut plus destructeur dès lors qu'il n'y a aucune instance ou personne à même de la lever. Et cela débouche irrémédiablement sur l'explosion, l'immolation ou le Duaa au cœur de la nuit.
Chacun de nous y a forcément goûté et de différentes manières. On ce qui me concerne, j'ai été témoin à maintes reprises de cette injustice. En effet, étant originaire d'El madania la révolutionnaire (Alger), je sais que les habitants de cette commune ont été lésés sur le plan de l'habitat, peut-être par manque de terrains de construction (les émeutes de Diar-échems sont assez éloquentes), alors que dans d'autres communes (en moins une) presque tout le monde a reçu un lot de terrain ou un appartement, même ceux qui n'étaient pas franchement avec la révolution. On a bien entendu parler de ceux qui viennent à Alger de très loin, perdus, ne connaissant pas le chemin vers les appartements et locaux commerciaux qu'ils auraient acquis et qui sont le fruit des largesses de leurs cousins incrustés dans l'administration. A El madania il y a des gens quinquagénaires décents et de bons pères de famille qui n'ont pas encore de logements alors que l'état les narguent à travers la télévision en octroyant "parfois" des logements à des personnes de réputation notoirement exécrable pour éviter le bruit qu'ils peuvent engendrer. L'état reste faible devant l'engeance mais féroce avec les gens dont la dignité leur interdit l'option de dévier des sentiers de l'éthique.
Je connais aussi l'histoire de quelqu'un d'El madania, un physicien parlant 5 langues, qui avait reçu en 1973 une bourse pour faire une grande école française, malheureusement, à quelques jours de son départ un sous-officier lui signifie que sa place est à Blida (s.n). Son frère qui maitrise 4 langues a été classé premier en 1976 au terme d'un concours en vue d'obtenir une bourse aux USA pour étudier la sécurité industrielle. Quelle ne fut pas sa surprise après avoir achevé tous ses préparatifs (vaccins,..), de savoir qu'on lui avait subtilisé sa bourse! Il s'inscrit à l'institut de physique pour le quitter en S6 sans diplôme, en particulier après qu'une enseignante (qui a confessé des années après qu'il avait l'éducation d'un englishman) lui eût dit qu'il n'allait pas avoir son module même s'il étudiait. Leur troisième frère, un poète et un dessinateur, un élève du lycée technique (1979), a été poussé à accepter juste un DES en physique pour enseigner au lycée dans une wilaya alors qu'il habite chez des gens dans une autre wilaya non limitrophe, tandis que "certains" des habitués des jeux de cartes dans les halls de l'USTHB, ont la mainmise sur nos destinées. Les bons éléments ont ainsi été échangés par d'autres moins compétents, ce qui a aboutit à une inversion de population au sens physique, d'où les problèmes de l'Algérie actuelle. C'est l'histoire de la séparation isotopique de l'uranium: si vous sélectionnez l'U235 vous aurez de l'uranium enrichi et de gros problèmes avec l'AIEA.
En fait, l'injustice a un  effet plus préjudiciable que le fait de prendre par exemple l'argent de quelqu'un, car des fois c'est toute une vie qui est chamboulée. Je l'ai appris à mes dépens dans la mesure où ma propre vie académique a été scandée par quelques injustices. Quand quelques amis et moi (6) avons eu le bac une bourse d'études aux grandes écoles françaises nous a été accordée.., hélas, après les préparatifs et à la rentrée scolaire nous avons perdu nos illusions (et nous savons par qui). Après le DES, une autre bourse m'a été octroyée par le biais de l'université, et comme l'histoire est un perpétuel recommencement, je n'ai jamais pu en bénéficier. Heureusement, après quelques années, j'ai bénéficié d'une bourse dont personne n'en voulait mais que j'ai eu la présence d'esprit de ne pas snober. En vérité, l'injustice a une saveur plus âpre au goût lorsqu'elle passe par la personne pour atteindre toute la communauté. En effet, en rentrant au pays j'ai introduit une discipline qui a su attirer les collègues et les étudiants au point de voir après une décennie le nombre des spécialistes dans ladite discipline avoisiner la quarantaine. Malheureusement, et parce que j'ai dénoncé un plagiat, je fus mis dans un vortex de vitesse transversale excessivement élevée: par une machination machiavélique je fus privé de mon cours de post-graduation dans le but de m'éloigner des étudiants. Et quelque soit l'écrit adressé à l'administration pour condamner cet état de fait, il demeura sans réponse, et ceci en totale contradiction avec la procédure administrative. En outre, toutes les propositions que j'ai eu à soumettre (>25) pour contribuer un tant soit peu au rayonnement de mon université, e.g., proposition d'une post-graduation et dans le cadre du LMD d'une licence et d'un master, mise sur pied d'un fond documentaire propre, etc., ont simplement été ignorées, alors qu'elles pouvaient avoir un impact sur la formation des étudiants et la visibilité de l'institution (ranking). Il est instructif de signaler que ma proposition de projet (cnepru) a été bloquée plusieurs années à cause d'une force occulte; heureusement il y a des gens intègres au MESRS. Idem pour les dossiers de promotion aux grades successifs (CC, MC, PR). Les tiroirs de bureau de l'administration ont un tel attrait que nos dossiers refusent d'en sortir et ceci pendant des années. Même sur le plan des besoins basiques on se trouve lésé; nonobstant le fait que je sois un formateur, j'utilise le bureau d'une technicienne qui s'en ai débarrassé, tandis que le PC je l'ai eu après des années d'attente alors que le budget non consommé du laboratoire (restitué) s'élevait à 4.5 MDA. Tout le monde est au courant mais personne n'a le courage de réagir. Nous sommes muselés par des responsables dont les indices de Hirsch, d'Egghe et de Zhang sont tellement bas qu'ils devraient démissionner par décence. Ils constituent un réel frein pour l'envol de notre faculté. Alors que faut-il faire dans ce cas, en particulier quand les autorités compétentes ne réagissent pas? On survit et on évolue à une vitesse très réduite...et le temps qui nous est alloué dans ce bas monde s'en va à vau-l'eau. Les responsables que j'ai évoqués ne savent-ils pas qu'ils agissent dans le sens des desseins de nos ennemis? Cependant, n'omettons pas de noter que l'injustice est en réalité un phénomène généralisé (ainsi que la corruption qui en est une simple manifestation) d'où le danger car il devient difficile de le circonscrire et rien ne fonctionne dès lors correctement dans la machine.
Quant à la politique adoptée par l'état, le profane que je suis ne puis techniquement la juger, mais il semblerait qu'elle ne reçoive pas de consensus. L'inflation par les coûts que l'on vit depuis un moment parait générale et devrait nécessiter un traitement différent de celui préconisé pour une inflation conjoncturelle. En outre, afin d'indiquer la thérapeutique appropriée d'une inflation, il est impératif de savoir dans quelle économie nous évoluons, viz., fermée ou ouverte, car ce qui est bénéfique pour l'une ne l'est pas nécessairement pour l'autre (e.g., provoquer le chômage), et je ne sais pas si l'Algérie a bien défini ses tendances économiques
Quoi qu'il en soit, la politique adoptée par l'état après cette crise en particulier, laisse transparaitre sa faiblesse et son incapacité à imposer une politique et à défendre l'honnête citoyen. A juste titre, l'état s'est retiré des secteurs stratégiques tels que le secteur alimentaire pour le laisser dans les mains d'un quarteron de citoyens, ce qui constitue une erreur même dans le cas où ces citoyens sont des saints. De surcroit, lorsqu'on adopte une politique (économique, sociale,..) après concertation, on ne fait pas marche arrière, car ceci constituerait un signal fort pour tous ceux qui ne prospèrent que dans le chaos et le désordre. Vaciller n'est guère un signe de bonne santé politique (cohésion de la masse); on se rappelle l'épisode de la loi sur les hydrocarbures. Evidemment, pour se prémunir de cette éventualité, l'état doit s'assurer l'adhésion du peuple, dont la condition sine qua non demeure la confiance. Il est clair qu'en absence de confiance entre le peuple et les gouvernants, toutes les politiques et décisions seront rejetées en dépit de leur pertinence. Je me rappelle à ce sujet qu'en 1988 après le fameux discours du 19 septembre du président Chadli et avant les événements du 5 octobre, mon ami un informaticien de l'USTHB et moi-même avons été conviés à une réunion du conseil national de la jeunesse en tant qu'étudiants. Lorsque j'ai pris la parole, R. Boukerzaza était souriant et jetait des regards à Mr. Sebaa du secrétariat permanent du FLN probablement pour lui dire qu'on a des jeunes conscients et engagés, mais il a très vite changé d'attitude dès lors que j'ai abordé les sujets qui fâchent. En effet, j'ai déclaré qu'il y avait un problème à résoudre, en l'occurrence, le peuple n'a plus confiance en ses dirigeants. Ensuite, j'ai parlé de l'opacité qui entourait les indices économiques en Algérie, tels que le taux d'inflation et le taux de chômage, pour clore mon intervention en qualifiant le fait d'imposer au citoyen la limite des naissances d'immoral (on parle maintenant d'espacer les naissances). Cela va sans dire, mon ami m'a emboité le pas. A la sortie, certaines personnes m'ont déclaré que c'était du courage walla khallini (entre autres quelqu'un qui est devenu ministre).
~16 janvier 2011

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